

Alors que le nombre record de licenciés est battu pour la deuxième année consécutive, Christophe Muniesa se réjouit de la dynamique du golf en France depuis la crise du COVID-19. Le PDG de la Fédération française de golf justifie l’augmentation de la licence d’un euro en 2023… Une augmentation inférieure à l’inflation. L’ancien professionnel regarde aussi vers le haut niveau du golf en France dans les pas de Céline Boutier, tout en anticipant avec impatience les JO de Paris 2024.
Entretien avec David CHARPENET
Golf Planète : Quel bilan de 2022 en termes de licenciés ?
Christophe Muniesa : Pour la deuxième année consécutive, nous avons battu le record de licenciés avec 441 961 licenciés en 2022. Cette tendance a commencé avant même le Covid puisque nous avons augmenté le nombre de licenciés entre 2017 et 2019. Cependant, nous n’avons pas encore atteint le niveau record de 2012. Il reflète l’arrivée de nouveaux golfeurs. Cette augmentation est un bon signal envoyé aux clubs de golf car cela signifie plus de joueurs potentiels. Au golf, il y a un fort attachement au club et une forte fidélité, avec plus de 90% des licenciés qui renouvellent leur licence. Nous avons également un ratio intéressant de licenciés par rapport au nombre de pratiquants. Ce sont de nombreux indicateurs positifs.
La limite symbolique des 500 000 licenciés est l’objectif fixé
GP : Avez-vous des objectifs pour les prochaines années ?
CM: Nous sommes passés de la 7e à la 4e plus grande fédération en termes de licenciés. La limite symbolique de 500 000 licenciés est un objectif fixé à court terme. Nous coopérons beaucoup avec la Fédération Française d’Equitation, qui fait partie de l’alliance sports et loisirs nature avec nous. Et on espère se rapprocher d’eux pour les chatouiller sur scène, derrière le foot et le tennis. Mais nous ne sommes pas dans la logique agressive de prise de parts de marché. Nous savons aussi que l’équipement doit être en adéquation avec le nombre de golfeurs. Nous avons environ 700 clubs en France, si jamais nous avons trop de golfeurs cela aura un effet contre-productif car les golfeurs ne pourront pas jouer quand ils le voudront. Et la construction de nouvelles installations est compliquée principalement pour des raisons foncières et écologiques.
GP : Comment expliquez-vous ce phénomène positif ?
CM: Nous bénéficions certainement de notre politique de développement du petit matériel comme le pitch & putt notamment. Nous avons participé à la création de centaines de petites structures et cela permet aux nouveaux golfeurs de faire plus facilement ce premier pas vers la formation. On estime que ce programme a produit 80 000 golfeurs entre 2010 et 2020. Nous avons également développé un programme destiné aux scolaires pour faire découvrir le golf aux plus jeunes et les amener à pratiquer ce sport en autonomie en obtenant une licence FFG.
La Ryder Cup 2018 en France a été le catalyseur et l’étincelle
GP : Pensez-vous qu’il y a eu un effet Ryder Cup ?
CM: La Ryder Cup 2018 en France a été le catalyseur et l’étincelle. Il a contribué à attirer l’attention des médias, des investisseurs et du public sur le golf. Mais ce n’était pas la Ryder Cup elle-même qui était censée nous aider à augmenter le nombre de licenciés. En revanche, il s’agissait clairement d’un levier pour convaincre les institutions telles que l’État et les investisseurs. Ainsi que le retour du golf aux JO, qui a vraiment donné crédibilité et légitimité à notre sport.

Christophe Muniesa et Pascal Grizot lors de la Ryder Cup 2018 au Golf National ©Philippe Millereau / DPPI Media
GP : La politique tarifaire de FFG a été fixée avec un plan jusqu’en 2022. Existe-t-il un nouveau plan qui justifie une augmentation de licence d’un euro en 2023 ?
CM: En 2009, lors d’une réunion extraordinaire avec les clubs, nous avons confirmé la candidature à la Ryder Cup 2018 et une augmentation par bond de la licence de 3 euros pour couvrir les frais d’organisation en cas de notre sélection. Pour ces deux entités, nous avons oscillé autour de 90% de votes positifs (92% pour l’acceptation de la Ryder Cup et 83% pour le projet d’augmentation de la licence). Donc de 2013 à 2022, il y a eu une augmentation du prix des licences de 3 euros, qui a été affectée au calendrier de la Ryder Cup, qui se termine en 2022. Lorsque nous avons pris cette décision en 2009, nous n’avons pas augmenté le tarif pour la première trois ans. Ainsi, le vote de 2009 a vu les premières retombées tarifaires en 2013. Depuis 2013, le tarif a augmenté de plus de trois euros, mais toujours en dessous de l’inflation.
En 2023, le prix de la licence augmente d’un euro pour un prix de 58 euros. C’est une augmentation d’environ 2 %. Un golfeur dépense en moyenne 1 200 euros en golf et 500 euros en matériel. Une licence à 57 ou 58 euros reste pas mal. Et il est de notre responsabilité de mettre en place une licence qui nous permettra de fonctionner correctement et de permettre aux golfeurs de jouer dans de bonnes conditions.
70% du budget est lié aux revenus des licences
Cette augmentation se justifie pour plusieurs raisons. D’abord économiquement avec l’inflation actuelle de 6%. Et en plus, cette augmentation nous permet d’investir, entre autres, dans la transformation écologique (accompagnement des clubs dans leurs projets de réutilisation des eaux usées et dans la création de petits réservoirs pour collecter les eaux de ruissellement) et dans la préservation de la biodiversité, notamment à travers notre renforcement de l’expertise agronomique . Sans oublier les frais divers, notamment liés au vandalisme qui a touché onze golfs. FFGolf a contribué aux frais d’avocats le cas échéant.
En 2018, nous avons réalisé une étude qui estimait le poids économique du golf à 1,5 milliard d’euros et 15 000 emplois. Dans l’ensemble, FFG doit être là pour soutenir l’ensemble de l’industrie du golf. Tout cela nécessite un budget lié à 70% aux revenus de licences.
On sent une sorte de plafond de verre
GP : Il n’y a pas de golfeuse française dans le top 100 mondial fin 2022. C’est forcément décevant malgré la 12ème place de Céline Boutier dans le monde féminin…
CM: Malheureusement, nous n’avons aucun golfeur parmi les 100 meilleurs golfeurs mondiaux, mais nous avons de la chance, Céline Boutier qui est 12e mondial, qui est premier en France, tous sexes confondus et toutes époques confondues. Elle a suivi les cycles de formation de la FED comme Pauline Roussin-Bouchard remarquablement. Et cela reste une satisfaction pour nous. Mais c’est vrai que c’est une frustration pour nous de ne pas avoir un joueur masculin dans le top 50 mondial (NDLR : Le meilleur est Victor Perez avec la 106e place depuis le 12 décembre). Bien sûr, c’est frustrant même pour les joueurs qui aspirent au plus haut niveau. Victor Pérez un Antoine Rozner ils ont chuté dans les classements depuis les années Covid et l’espoir est qu’ils remontent dans le classement mondial et que davantage de talents émergent.
GP : Ce bilan peut-il remettre en cause le modèle de formation français actuel ?
CM: Notre système est efficace pour libérer un grand nombre de bons joueurs. Nous aurons seize Français Tour du monde DP en 2023. Mais on sent une sorte de plafond de verre. Contrairement à nos voisins, nous n’avions pas Avec : Rory McIlroy, Jon Rahm, Martin Kaymer, Francesco Molinari, Henrik Stenson… Le cœur de notre événement se concentre sur les adolescents entre 14 et 20 ans. Dès qu’ils passent pro, ils redeviennent autonomes comme toutes les autres fédérations. Mais nous pouvons certainement être encore meilleurs pour former le futur champion. Et c’est là que nous concentrons nos efforts avec nos centres de performance comme Terre-Blanche et Golf National.
GP : Le passage du statut d’amateur au statut de professionnel est un moment clé dans la carrière d’un golfeur dans un sport aussi individuel. Quel est le rôle de FFG dans cette transition ?
CM: Nous essayons d’accompagner le futur professionnel dans le processus de son émancipation, mais la dernière étape appartient aux golfeurs. L’aide des fédérations continentales comparables est légèrement inférieure à celle de la FFG. Nous dépensons plus de 100 000 euros pour cette transition vers le monde professionnel. C’est une aide ciblée destinée aux meilleurs amateurs. Nous avons choisi cette formule plutôt qu’une petite aide accordée à un plus grand nombre. Mais dans tous les cas, l’aide de la Fed reste assez dérisoire pour le succès ou l’échec d’un golfeur professionnel. La différence réside plus dans la capacité d’un très bon joueur amateur à s’adapter aux exigences du monde professionnel que dans l’aide de la Fed. La FFGolf aide aussi indirectement en organisant des événements en France. L’aide aux tournois passera à 700 000 € en 2022 pour l’organisation de tous les événements sur le sol français.
Le fait que Martin Trainer fasse une candidature peut stimuler les Bleus
GP : En 2024, un événement majeur aura lieu sur le sol français avec les Jeux olympiques de Paris. L’entraîneur franco-américain Martin a déclaré ouvertement qu’il voulait jouer pour la France. Qu’est-ce que tu penses ?
CM: En effet, Martin Trainer s’est mis en position d’essayer de faire partie de l’équipe de France aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Nous jugeons cela plutôt positif. Martin s’est déjà informé sur Tokyo 2020. Cette fois, le processus a commencé avec nous et l’IGF (Fédération Internationale de Golf). Son passeport français lui a facilité la tâche. Le retour du golf aux JO ne date que de 2016 à Rio, et les stars ont évité deux éditions au Brésil puis au Japon. Les Tricolores ne se sont pas toujours montrés motivés non plus. Le fait que Martin Trainer rapporte peut stimuler les Bleus et nous voyons cela comme une chose très positive.
GP : En revanche, il n’y aura pas de paragolf à Paris…
CM: Malheureusement non. Nous militons pour que le paragolf soit au programme des Jeux Paralympiques. Mais ce n’était pas accepté pour 2024. Peut-être 2028… C’est d’autant plus dommage qu’on a de grandes chances de médailles.
Crédit photo : Alexis Orloff / ffgolf